mercredi 27 décembre 2017

perdre les visages

« Il était sur le point, sous l'accumulation de formes de champignons à l'extérieur et à l'intérieur de sa tête, de perdre les visages des autres, des gens, des humains, ce qui autrefois avait été pour lui la chose suprême, le « tiers visible ». Sa femme, depuis longtemps séparée de lui, me raconta qu'elle l'avait rencontré une fois dans la forêt ; il avait d'abord regardé ce qu'elle tenait dans ses mains. – Et c'était ? – Une oronge, une amanite des Césars, une amanita caesara, couleur jaune d’œuf, impossible d'avoir un jaune plus lumineux dans une enveloppe immaculée comme un blanc d’œuf, un vrai délice des dieux. – Quoi ? Elle aussi était devenue folle ? – Oui, exceptionnellement, par jeu, pour peut-être reconquérir le fou en chef. – Et alors ? – Il leva les yeux de l'oronge pour la regarder bien en face, elle, sa femme. Mais il ne la reconnut pas, l'admirant seulement, comme étrangère, davantage à cause de ce qu'elle avait trouvé qu'en raison de sa beauté. »

C'est à la page 120 de l'Essai sur le fou de champignons, de Peter Handke. Je ne suis pas le fou de champignons. Je ne suis pas le fou de champignons. Je ne suis pas le fou de champignons. Je ne suis pas le fou de champignons. D'ailleurs nous n'avons pas les mêmes champignons. D'ailleurs souvent je ne reconnais pas ses champignons. Et mon histoire avec les champignons est complètement différente de la sienne. Il vient des forêts d'épineux, moi des forêts de feuillus. Rien à voir. D'ailleurs je n'ai jamais eu le projet d'écrire un livre sur les champignons, même s'il se trouve que je l'ai un peu fait quand même.
Des pensées comme ça, un peu stupides comme la plupart des pensées, m'ont traversé à la lecture de ce dernier Essai de Handke. Je n'ai pas lu tous les autres. Je n'ai lu que celui sur la fatigue. Mais c'est à Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, que j'ai surtout pensé, par moments. D'ailleurs dans cet Essai sur le fou de champignons on croise le pharmacien de Taxham. Il connaît mieux les champignons que celui que je consultais autrefois. Mais c'est surtout à cause de cette impression de partir. Même si le fou de champignons ne part pas vraiment.

Cet Essai sur le fou de champignons, c'est un livre sur ce qu'on trouve, sur ce qu'on perd. Quoi d'autre ? Oui, lisez-le.

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